Violeta Bandrés : « historiquement, Zumaia a dominé l’industrie navale pendant des siècles »

30/05/2025

Violeta Bandrés est guide pour les visiteurs et les étudiants. Elle propose des visites guidées dans la région d’Urola Kosta, dans le Géoparc, et surtout à Zumaia. Autant dire qu’elle connaît mieux que quiconque l’importance historique de Zumaia dans le patrimoine maritime.

Dès qu’on arrive à Zumaia, le lien avec la mer saute aux yeux.

La ville est idéalement située, à l’embouchure de l’Urola, ce qui en dit long. La première chose qu’on aperçoit en arrivant par la route, c’est le chantier naval Balenciaga. Même si son avenir semble aujourd’hui compromis, il reste le dernier témoin d’un riche passé.

Quelles sont les particularités du Pays basque à ce sujet ? 

C’est un territoire petit et montagneux. Aujourd’hui, on accède facilement aux villages côtiers grâce aux routes modernes, aux transports en commun et aux voitures, mais cela ne date que d’un siècle, un siècle et demi tout au plus. Notre relief est magnifique, certes, mais il a longtemps constitué un frein au développement. L’une des rares voies possibles pour vivre et prospérer, c’était la mer. C’est autour d’elle que s’organisait la vie économique. D’où le rôle vital de la mer pour notre subsistance.

Et Zumaia en est un parfait exemple : à une époque, son port était l’un des plus importants en matière de construction navale.

C’est bien documenté, notamment pour les XVe et XVIe siècles, considérés comme l’âge d’or de Zumaia. On comptait alors jusqu’à onze chantiers navals le long de l’Urola. Même si, vus d’aujourd’hui, certains paraissent rudimentaires — certains étaient construits en bois —, les chantiers navals du Pays basque étaient parmi les plus avancés d’Europe sur le plan technologique. Zumaia figurait parmi les sites les plus importants. Elle bénéficiait d’un emplacement exceptionnel : dans l’estuaire, à l’abri des tempêtes, tout près des matières premières, et de qualité : du chêne et du hêtre locaux, du fer provenant de la haute vallée de l’Urola… De nombreux navires, caravelles et nefs sont sortis de ces chantiers. Zumaia a réellement dominé l’industrie navale pendant des siècles.

Et cette qualité des matériaux s’est reflétée jusque dans l’expédition d’Elkano autour du monde, non ? 

Tout à fait. Cinq navires ont pris part à cette expédition, dont trois ont été construits dans des chantiers de la région. Qu’une telle proportion de bateaux locaux participe à une expédition aussi importante en dit long.
À l’époque de la conquête des Indes, quand les grandes puissances européennes lançaient leurs expéditions, 80 % des navires étaient basques. C’est un fait bien établi par les recherches. L’importance des chantiers navals basques est donc incontestable.

Certaines visites guidées à Zumaia permettent de découvrir en détail ce tour du monde. Mais la ville recèle bien d’autres trésors, comme cette peinture votive représentant la bataille de Gibraltar, dédiée au marin Mendaro dans l’église Saint-Pierre. 

Cela montre que les marins, eux aussi, ont joué un rôle essentiel. Et à côté des tableaux représentant des scènes maritimes, on trouve aussi des triptyques venus d’Europe, comme les triptyques flamands du début du XVIe siècle des familles Sasiola et Elorriaga, qui sont de véritables œuvres d'art que l'on peut admirer dans les chapelles latérales de l'église paroissiale de San Pedro.
Qu’est-ce que cela nous dit ? Que les navires construits ici servaient à l’exploration, bien sûr, mais aussi au commerce. Nous étions un trait d’union entre les économies méditerranéenne, castillane et atlantique. Nous étions les transporteurs, et nous entretenions des relations étroites avec l’Europe du Nord. C’est ainsi que sont arrivées chez nous, entre autres, des œuvres d’art — la plus emblématique étant cette peinture votive en hommage au marin Mendaro, représentant la bataille de Gibraltar. Au fond, nous avons été pêcheurs, charpentiers de marine, commerçants ou militaires, mais ce qui relie toutes ces activités, c’est la mer.

Et puis, il y a aussi la plage d’Itzurun, le Flysch, et le Géoparc dans son ensemble, qui sont davantage liés à la géologie qu’à la mer, mais qui ont aussi leur importance.

Sans aucun doute. Aujourd’hui, au XXIe siècle, le Géoparc de la Côte basque est une référence mondiale. Nous avons l’un des patrimoines géologiques les plus riches au monde, reconnu à la fois pour la recherche, la beauté du paysage, et sa valeur pédagogique.
Le Flysch forme un paysage unique, dans lequel on peut littéralement lire l’histoire de la Terre. Il nous aide à comprendre le passé de notre planète, à mieux appréhender le présent, et à anticiper l’avenir. Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, c’est essentiel. Et la géologie, avec le Flysch, nous en donne la clé.